Faire revivre les morts…

Faire revivre les morts…
Photo de Cristian Grecu sur Unsplash

Alors celle-là, je vous avoue, je ne l’avais pas vue venir. Mais dimanche dernier, vers 20h, en terminant va veille hebdomadaire, je tombe sur un article sérieux, publié par le site Futurism, qui nous explique que la combinaison du métavers et de ChatGPT nous rapproche bien plus rapidement que prévu de faire revivre nos chers disparus !

Un cimetière dans le métavers, peuplé de zombies, voilà l’image de Walking Dead qui surgit à ce moment-là.

Du point de vue technique en effet, cela ne semble plus poser la moindre difficulté :

  • Un avatar plutôt bien fait, à partir des photos de votre cher disparu;
  • l’IA spécialisée dans la parole, qui synthétise la voix d’une personne à partir de 3 seconde enregistrées;
  • des données d’apprentissage qui pourraient être chargées à partir des souvenirs, des lettres, des photos, des traces laissées sur les réseaux sociaux, etc.

Le résultat est donc là : une personne décédée peut “revivre” virtuellement dans un monde numérique, au travers d’un avatar ressemblant, d’une voix recréée, et de sujets de conversation issus de son histoire réelle.

Alors prenons deux cas :

  • Ma chère maman, disparue à presque 90 ans, il y a un an. Alzheimer ne lui a pas permis de nous quitter avec tout son esprit. Et elle en avait de l’esprit ! Mais nous gardons d’elle le souvenir d’une femme toujours gaie, rieuse, blagueuse, et parfois pince-sans-rire. Que j’aimerais l’entendre de nouveau crier dans l’appartement en direction de mon papa, “Claude, il fait chaud, va ouvrir la fenêtre !”, et puis cinq minutes après, avec le sourire d’un enfant pris la main dans la pot de confiture “Claude, il fait froid, pourquoi tu as ouvert la fenêtre ?”.
  • D’un autre côté auriez-vous vraiment envie de croiser dans un métavers, un avatar de Hitler ou de Bokassa… ou votre belle-mère (ce sont les trois qui me sont venus en premier à l’esprit) ? Pensez-vous que ce soit une bonne idée (même si c’est au nom de la transmission historique) de leur permettre d’exister de nouveau, de s’exprimer de nouveau, et de transmettre de nouveau leurs idées ?
  • Et pour citer une personnalité controversée, Maître Jacques Vergès me vient à l’esprit. Il est détesté par beaucoup, adulé par d’autres. Moi, il me fascinait ! Par son éloquence, son sourire malin, je rêverais de le rencontrer et d’échanger avec lui. D’autres souhaiteraient le bannir définitivement. Qui a raison ? Qui décide ?

Arriver à citer dans le même blog ma mère, Bokassa et Jacques Vergès… je suis très fort.

Et pour terminer, soyons sérieux ! Pensez-vous vraiment que Philippe Nieuwbourg doive continuer d’exister au delà de sa disparition, que j’espère la plus lointaine possible, mais on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Après des décennies de vie, des milliers d’articles et de conférences, serait-il raisonnable que je prépare ma succession métaversale, et que je programme mon avatar afin qu’il continue à s’exprimer pour moi ? Pas certain. Une fois que l’on a fait son temps, sans doute vaut-il mieux laisser la place à d’autres.

En tous cas, cela me suggère quelques réflexions :

  • Si tous les morts peuvent revivre indéfiniment dans le métavers, ce dernier va rapidement devenir un monde de zombies; il y aura forcément plus de morts que de vivants… déjà qu’il n’y a pas grand monde…
  • Comment distinguer un mort d’un vivant ? Imposera-t-on une étiquette (j’ai failli dire une étoile) pour identifier les “robots humains décédés” ?
  • Qui les programmeront ? Puis-je préparer mon décès, et ma résurrection dans le métavers, en ayant soin de sélectionner les idées, les sujets sur lesquels je m’exprimerai depuis l’au-delà ?
  • Ah mais alors, il y a des idées de business… Préparer l’avatar post-mortem pour le compte d’une personne bien vivante qui souhaitera anticiper… Rappelez-vous le film Final Cut, avec Robin Williams, qui intervient après la mort d’une personne, pour récupérer l’ensemble des images de sa vie, et monter un film souvenir de quelques minutes, relatant une vie forcément parfaite.
  • Le même Robin Willians, qui a, de son vivant, pris les dispositions nécessaires pour que l’utilisation de son image soit interdite pendant 25 ans après sa mort… Avait-il donc anticipé tout cela ?
  • Une solution à court terme, passe donc peut-être par des dispositifs juridiques.

En tous cas… je ne l’avais pas vu venir !